Popaul..........
Nous assistons ce matinà notre première séance de géométrie descriptive…
nous avons été prévenus par les anciens que le vieux professeur qui officie également
à l’Ecole Polytechnique non loin de là , n’était pas un plaisantin.
Il fait le trajet quotidiennement sur son vélo, béret sur la tête , écharpe à carreaux nouée autour du cou ,
range sa machine dans le hall de l’école , enlève les pinces de son pantalon ,
dégage son cartable des sandows du porte bagage et se rend dans l’amphi la mine revêche ,
sans saluer personne.
Il ne supporte pas que le moindre bruit vienne troubler le bon déroulement de son office ,
ainsi , nous sommes tous là , sans broncher , à boire ses paroles
tout en prenant des notes dans un silence de cathédrale ,
avec le souci de se faire le moins possible remarquer.
Il est à la fois craint et respecté , non seulement des élèves mais de tout le personnel de l’établissement , directeur inclus , paraît-il que c’est un grand bonhomme dans son domaine
et il nous fait un immense honneur en voulant bien perdre un peu de son précieux temps avec nous.
Aussi nous nous devons de lui en être reconnaissants et ne rien faire qui puisse le contrarier ,
ceci bien compris , le vieux Popaul continuera de faire de nous des as de la perspective et de la descriptive.
Deux heures que nous sommes assis sans bouger , les bancs de bois se font durs ,
les fesses douloureuses nous suivons la leçon dans un silence religieux ,
l’heure prévue de la fin du cours est dépassée depuis longtemps
et le prof n’a pas l’air de vouloir mettre un terme à sa démonstration…….
.....c’est alors que se produit l’impensable ,
un élève se dresse de son siège et apostrophe le maître :
- Monsieur , loin de moi l’idée de vous manquer de respect , mais je vous signale que vous avez dépassé votre temps de douze minutes , j’ai malheureusement d’autres obligations , aussi je vous demanderai de bien vouloir m’autoriser à quitter le cours ! -
Une chape de glace s’abat sur l’amphi…
interloqués , nos regards vont de l’intrus à Popaul
qui se retourne lentement du tableau pour nous faire face ,
il est blanc de rage , la mâchoire crispée , il noue son écharpe autour du cou ,
coiffe son béret , balance son morceau de craie par-dessus l’épaule ,
prend son cartable et s’adressant au surveillant qui , subodorant un drame ,
vient de s’encadrer dans la porte :
- Dites au Directeur que je ne remettrai plus les pieds ici tant que l’abruti qui vient de perturber mon cours n’aura pas été renvoyé ! –
Sur ce , il sort en claquant violemment la porte.
Et c’est ainsi , que moins d’une semaine après la rentrée ,
le major de la promotion , Serge O. , a été viré.